Dans l'enclave nord-est du sous-continent indien, le summum de l'hiver se fait sentir. Les pluies de mousson longues et persistantes ont depuis longtemps cessé de tomber. Même ainsi, la sécheresse est quelque chose qui ne semble pas s'appliquer ici.
Nous avons survécu au nouveau trajet « toujours ouvert » du chauffeur qui nous a emmenés sur la route entre Guwahati et Kaziranga. Malgré le trafic infernal de presque tous les camions Tata, nous l'avons accompli en à peine quatre heures.
Lorsque nous nous installons à l'hôtel Aranya Tourist Lodge vers une heure de l'après-midi, le soleil reste piégé derrière un épais brouillard à haute et basse altitude.
Au cours des deux jours que nous avons passés au PN Kaziranga et dans la région environnante, peu ou rien n'a changé : la grande étoile est restée une simple lueur d'éclat qui parfois pointait, timide, parfois disparaissait, selon le temps.
Des singes assamais aux rhinocéros indiens
La faune prolifique du parc, celle-là, n'était pas quémandée. Nous sommes toujours installés dans notre chambre, la porte ouverte sur le couloir de la véranda, quand deux singes assamais aux joues roses surgissent de nulle part et s'installent sur la balustrade du balcon, sous le regard méfiant de deux invités de passage.
Contrairement à ce qui nous était arrivé à Varanasi et dans d'autres régions de l'Inde, les animaux ne manifestent pas de plan d'assaut. Nous avons fini par les ignorer. Nous sommes descendus déjeuner le seul menu que cette loge d'État servait aux invités: pauvre avec du curry de pommes de terre et quelques bons plats de riz.
Même si ces derniers temps ils sont tombés dans le champ des défenseurs des animaux, les safaris à dos d'éléphant font partie de la tradition de Kaziranga depuis près d'un siècle. La récente polémique a eu le pouvoir de nous faire réfléchir.
Nous avons fini par décider que le sort des éléphants domestiqués ne serait pas nécessairement l'une des situations les plus dramatiques en matière de violence animale. Nous avons fait avancer l'idée.
A la recherche des rhinocéros, sur le dos des éléphants
Les promenades à dos d'éléphant sont très populaires. De manière à ce qu'il nous soit conseillé de réserver au plus tôt l'heure de départ pour l'aube suivante. Avec beaucoup d'efforts, notamment de la part du chauffeur-guide qui nous accompagnait, nous nous sommes fait sortir une place de nulle part à 6h15, aux aurores.
Nous sommes réveillés depuis 5h45. Vijay ne nous appelle pas à la porte avant 6h05. Nous sommes arrivés juste à temps mais de peu d'utilité. Plusieurs des participants restants apparaissent en retard.
En ajoutant le temps de distribution par les éléphants respectifs et leur monture, à sept heures moins le quart nous sommes toujours sur les sortes de tours que l'administration du parc avait érigées pour faciliter l'ascension des passagers à l'arrière des pachydermes, abondants en Assam, comme aucun autre état.
Sur les 10.000 1200 éléphants sauvages de l'Inde, on estime que plus de la moitié se trouve dans l'Assam. Parmi ceux-ci, environ XNUMX, prolifèrent dans le PN Kaziranga.
Le retard nous est favorable. Même à la dernière minute, la brume matinale reste si épaisse qu'on ne voit pas une main devant le nez, encore moins des spécimens animaux, si volumineux soient-ils, engloutis dans les hautes prairies trempées par les excès de la fleuve Brahmapoutre qui a rempli une bonne partie des 430km2 du PN Kaziranga.
Sauterelle, Brouillard, Rhinocéros, Buffles & Co.
Enfin, nous inaugurons le cours. Au début, le long des sentiers de la jungle qui séparaient le marais de la zone humanisée environnante. Quelques minutes plus tard, la jungle s'ouvre sur une vaste étendue recouverte de grosses touffes d'herbe à canita. Des éléphants marchent parmi ces touffes, en rang pas si loin. Plusieurs oursons agités suivent leur mère à une courte distance.
L'atmosphère est mystérieuse, avec le vert de l'herbe presque arboricole qui traverse la brume épaisse. Bas à l'horizon, effleurant la cime des arbres, une petite boule de soleil ténue rougit l'air libre.
Armés de fusils, les guides et chauffeurs d'éléphants les conduisent là où ils pensent avoir le plus de chances de trouver des spécimens de l'espèce qui a fait du PN Kaziranga une star dans les parcs nationaux indiens, au point de UNESCO le maintenir, depuis 1985, sur sa liste du patrimoine mondial.
Nous sommes confrontés à un troupeau suspect de XNUMX XNUMX buffles d'eau sauvages résidents, la plus grande population de la planète. Nous pouvons les identifier même à distance par la taille et l'ouverture des cornes, bien au-dessus de l'herbe jaune-vert.
On croise encore des cerfs Barasingha (du marais) et avec des sangliers qui sont effrayés par la grandeur de la caravane et se précipitent dans un cri perçant.
Enfin, le Monoceros Rhinoceros de Kaziranga
Les locataires suivants ne sont pas impressionnés. Les deux que nous avons trouvés restent cachés dans l'herbe en pot. Ils revendiquent une taille, un poids (entre 2 et 3 tonnes) et une armure de cuir plissé très caractéristique qui leur permet de contempler et d'affronter l'étrange alliance des éléphants et des humains.
Les rhinocéros indiens sont l'espèce vedette du parc. Ils occupaient autrefois tout le sous-continent, autour des bassins des grands fleuves Indus, Gange et Brahmapoutre, du Pakistan à nos jours. Myanmar, Népal et même le Bhoutan. Leur nombre et leur habitat ont diminué de décennie en décennie.
Le PN Kaziranga héberge environ 1860 spécimens, près des deux tiers de tous ceux qui survivent à la surface de la Terre, désormais présents uniquement dans onze bastions limités à l'Inde et au sud de la Népal.
Les rhinocéros voient mal. Avec la douce brise qui souffle dans notre direction, leur nez met beaucoup de temps à décrire le public monté qui les contemple. Enfin, le museau levé pour sonder l'air trempé, ils sentent la proximité déjà exagérée de la caravane et retournent à l'abri des hautes herbes.
Nous avons continué à travers de nouveaux sacs de brouillard vers un lac légué par le Brahmapoutre avec de larges marges recouvertes d'un tapis herbeux, peu profond mais luxuriant. Il est partagé par quatre autres énormes rhinocéros indiens, espacés, occupés à dévorer les centaines de kilos d'herbe qui nourrissent chaque jour leurs corps préhistoriques.
Les monoceros du sous-continent et de PN Kaziranga, en particulier, sont ce qu'ils sont. A l'abri du braconnage, on en dénombre bien d'autres.
L'histoire anglophone de PN Kaziranga
PN Kaziranga a émergé en 1908 à l'initiative de la baronne Curzon de Cudleston, épouse du vice-roi des Indes qui a visité la région en 1904 désireux de voir les animaux, mais en vain. Désabusée, la baronne persuade son mari de prendre des mesures pour protéger les rhinocéros indiens, alors rares et en voie d'extinction.
Au moment de la création de la réserve, il ne restait qu'une poignée de rhinocéros indiens. Depuis lors, PN Kaziranga a été confirmé comme un cas de réussite unique de la conservation animale indienne. David Attenborough a consacré un des épisodes de sa série Planet Earth II à Kaziranga. Et William et Catherine, le duc et la duchesse de Cambridge lui ont rendu visite en 2016.
Cette couverture médiatique anglophone a souligné le succès du parc. Dans le même temps, il a découvert les moyens peu scrupuleux par lesquels les autorités l'ont frappé.
La BBC, notamment, a publié en février 2017 un article mettant en colère les autorités, longtemps apologistes de la primauté de son prodigieux parc de l'Assam, visité chaque année par 170.000 XNUMX personnes qui contribuent à la vitalité de l'économie de l'État.
Protection radicale du rhinocéros indien
L'article était intitulé "Kaziranga : Le parc qui tue les gens pour protéger les rhinocéros”. Dans cet article, Justin Rowlatt, correspondant de la BBC en Asie du Sud, a révélé des faits et des chiffres concrets : entre autres, « que les gardes du parc avaient reçu des pouvoirs de tir et de meurtre égaux à ceux des forces armées affectées à la police des troubles civils.
Qu'à un moment donné, ces rangers tuaient en moyenne deux personnes par mois (plus de 20 par an) et que, en 2015, après deux ans avec plus de vingt-cinq rhinocéros tués - au lieu des moins de dix ans habituels plus tôt – plus de personnes avaient été victimisées par des rangers que de rhinocéros par des braconniers. »
A l'origine du problème se trouvait (et sont), comme toujours, la demande des acheteurs, notamment des Chine e Viêt-Nam, des pays où la croyance persiste que la corne de rhinocéros guérit tout, du cancer à la dysfonction érectile. Et où 100g de kératine qui la compose peuvent valoir jusqu'à 5500 €.
Compte tenu de la difficulté de lutter contre des gangs de braconnage bien organisés qui tendent même une embuscade aux rangers, leurs actions seraient même justifiées. Cependant, l'angoisse des gardes du parc et l'impunité avec laquelle ils opèrent ont causé trop de dégâts et maintiennent les habitants dans un état de désarroi permanent.
Les troubles de la vie autour de Kaziranga
Nous avions prévu, pour le lendemain matin, de visiter et de photographier les travailleurs de l'une des différentes plantations de thé d'Assam à proximité. En fin de journée, le chauffeur nous informe que ces plans seraient contrecarrés : « il y a eu une attaque d'un employeur contre un travailleur qui a exigé de recevoir un paiement à terme échu.
Désormais, par solidarité, tout le village est en grève. Ni les cueilleurs de thé ne fonctionnent ni les commerces n'ouvriront. Comme tu nous l'as expliqué, c'est comme ça que ça s'est passé.
Nous errons toujours dans le village entre At Road et Kohora, au sud d'Aranya Lodge. Pour de brefs instants. En période de grèves et de protestations, on s'est vite rendu compte qu'on y était en décalage.
Les guides de PN Kaziranga étaient toujours actifs. D'accord, peu après une heure de l'après-midi, nous entrons dans l'une des nombreuses jeeps Maruti Suzuki Gypsy qui desservent le parc et entrons par un portique différent de celui du matin.
Nouvel après-midi parmi la faune de Kaziranga
Motorisés, nous avons parcouru un territoire beaucoup plus vaste et des scénarios beaucoup plus variés : des marais qui alternaient avec la jungle, des sentiers surélevés face à des lacs, çà et là traversés par toutes sortes d'animaux et menant à des tours d'observation. Du haut de ces tours, on voit de nouveaux marécages grouillant de buffles d'Asie, d'éléphants et, bien sûr, de rhinocéros indiens.
Vers la fin de la journée, nous voyons un de ces monoceros, solitaire, errer dans un lac peu profond. Le coucher de soleil imminent a produit un large faisceau orange à la surface. Petit à petit, l'animal rampe vers vous et chevauche cette eau scintillante. Il dresse la tête et le museau et génère une silhouette qui nous laisse bouche bée.
L'émerveillement ne s'arrêterait pas là. De retour dans la jeep, le guide revenait déjà au parc lorsque nous avons entendu une famille d'Indiens dans une autre jeep crier "tigre !!!". Nous n'avons eu que le temps de faire demi-tour et de pointer les caméras sur le chemin herbeux où nous avons senti que le chat traversait, quelques mètres taillés dans l'immensité de l'herbe canita.
Même si le PN Kaziranga abrite l'une des plus fortes densités de tigres au monde, une centaine seulement y parcourt. Nous venions de photographier l'un d'eux. L'image était loin d'être parfaite (on avait le profil complet du chat, mais il ne nous faisait pas face). Même ainsi, le « acte » n'a pas tardé à diriger la loge. Et pas seulement.
La nuit, la grève avait déjà été suspendue. Le village avait repris sa vie trépidante. Ici et là, des visiteurs indiens et même quelques commerçants se sont approchés de nous désireux d'inspecter les photos du félin répertorié. "Toutes nos félicitations! Ce n'est pas tous les jours qu'on en prend des photos ! Deux guides nous garantissent qui les espionnent, fiers du trophée que nous retirions de leur bien-aimé PN Kaziranga. Ce n'était que le tigre insaisissable.
Les auteurs souhaitent remercier les entités suivantes pour leur soutien à cet article : Ambassade de l'Inde à Lisbonne ; Ministère du Tourisme, Gouvernement de l'Inde, Société de développement de l'Assam.